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Tout seul, d'en haut, à droite
30 avril 2011

Le piège de Schengen se referme

Comme par enchantement, l’afflux récent d’immigrés nord-africains sur le sol européen a rendu possible la remise en cause d’un dogme naguère intangible : la libre circulation des personnes dans l’espace Schengen. Ce vendredi, la France et l’Italie se sont prononcées pour une réforme du traité de Schengen, se traduisant par un renforcement des contrôles aux frontières nationales. Bien entendu, cette volonté de réforme a toutes les chances de ne pas être suivie d’effet, puisque le « consensus européen » en la matière sera – une fois de plus – introuvable. Le ministre allemand des Affaires étrangères a déjà déclaré que « la liberté de mouvement en Europe est une telle réussite qu’elle ne devrait pas être renégociée ».

 

Ces péripéties tristement prévisibles appellent plusieurs remarques :

- Force est de constater que le romantique « printemps arabe » entraîne un accroissement des flux migratoires en provenance de ces pays. En cédant à l’angélisme ambiant, on pouvait supposer que les populations locales (en Tunisie notamment), après avoir réussi leur révolution, auraient à cœur de participer, sur place, à la transition démocratique de leur pays. Mais les faits sont têtus et la réalité se venge du lyrisme : face au désordre, à l’anarchie, et donc à la crise économique, ces populations préfèrent rejoindre le territoire européen.

- Manifestement, une majorité des immigrés tunisiens débarqués en Italie souhaitent venir en France. Or, notre pays nous est très souvent présenté comme un parangon de xénophobie, où l’Etranger et l’Immigré sont systématiquement stigmatisés. Si c’était vrai, la France serait-elle toujours une telle destination de choix pour les migrants ?

 - L’absence de coordination entre la France et l’Italie, avant le sommet de vendredi, a montré le décalage mortifère entre un système supranational et désincarné comme Schengen, et des logiques politiques qui restent, quoi qu’on dise, avant tout nationales. Silvio Berlusconi s’est retrouvé otage de son allié la Ligue du Nord, qui n’a pas manqué de raisonner en ces termes : « La meilleure façon de faire partir ces gens, c’est de leur donner des papiers. Alors donnons-les-leur !  Ils iront en France et en Angleterre ».  On peut toujours se lamenter sur l’absence de solidarité européenne, mais cela revient à regretter que ce qui ne peut pas exister n’existe pas.

- Les contradictions du Président Sarkozy sont apparues au grand jour. D’un côté, il n’a pas de mots assez durs contre l’immigration excessive, et il fait de la maîtrise de l’immigration une composante-clé de son discours sécuritaire, depuis une dizaine d’années déjà. De l’autre, il n’a jamais remis en question, depuis son élection en 2007, les dogmes de l’Europe supra-nationale, parmi lesquels la libre circulation des personnes figure en bonne place. Bien au contraire, il a favorisé l’adoption du Traité de Lisbonne, sans le soumettre au référendum, alors que cette version très légèrement expurgée de la Constitution européenne de 2005 renforçait les prérogatives de l’Union Européenne, au détriment des Etats, en matière de sécurité et d’immigration. On touche là au cœur de l’imposture sarkozyste.

- Dans cette affaire, tout comme dans l’affaire libyenne d’ailleurs,  le Président du Conseil européen Herman van Rompuy et le Haut-Représentant Catherine Ashton (les deux « visages de l’Europe » !) sont totalement invisible. Cela montre bien que l’absence de légitimité démocratique condamne à l’impuissance et à l’inexistence ces personnages non élus, symboles d’une Union Européenne qui se construit sans les peuples, et parfois contre eux.

- Alors même que le traité de Schengen montre toutes ses limites, la machinerie européenne poursuit son avancée, façon rouleau compresseur : à partir d’aujourd’hui 30 avril, les ressortissants de République tchèque, d’Estonie, de Lettonie, de Lituanie, de Hongrie, de Pologne, de Slovénie et de Slovaquie bénéficient d’un accès sans restriction aux marchés de l’emploi de l’Europe des Quinze.

 

Faisons le pari que cette course à l’abîme finira par favoriser le retour à la raison. Le programme est à la fois simple et immense : réhabilitation de l’idée de frontière, respect des souverainetés nationales, abandon du carcan supranational au profit de coopérations inter-étatiques. Ce serait l’honneur de la France d’engager cette reconqûete.

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